Pays de neige by Kawabata Yasunari

Pays de neige by Kawabata Yasunari

Auteur:Kawabata, Yasunari [Kawabata, Yasunari]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Éditeur: biblio
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


7

Sur le point de quitter Tôkyô pour un nouveau séjour en montagne, aux premiers jours de l’automne, Shimamura avait entendu sa femme lui recommander de ne pas laisser ses vêtements suspendus au mur ou sur les porte-kimonos : « C’est en cette saison que les papillons de nuit pondent », lui avait-elle dit.

Des papillons de nuit, il y en avait, en effet, à l’auberge : posés sur la lanterne qui décorait le revers de l’avant-toit, il en compta six ou sept, de grande taille et d’un jaune maïs ; dans l’antichambre, il en vit un plus petit, mais l’abdomen si gonflé et si lourd que ses ailes en paraissaient ridicules.

On n’avait pas encore retiré des fenêtres l’écran des moustiquaires de l’été. En s’approchant, Shimamura observa encore un papillon sur l’un des cadres, immobile comme s’il y eût été pris à la glu. Ses antennes dressées, telles de fines laines, avaient la couleur de l’écorce de cèdre, et ses ailes quasi diaphanes, d’un vert très pâle, étaient longues comme un doigt de femme. Le rideau des montagnes, à l’arrière-plan, déployait déjà les riches teintes de l’automne sous le soleil couchant, ses rousseurs et ses rouilles, devant lesquelles, pour Shimamura, cette unique touche d’un vert timide, paradoxalement, prenait la teinte même de la mort. Le vert gagna un peu d’intensité quand les ailes doubles se recouvrirent, de chaque côté du corps, frémissant dans le vent d’automne comme de minces feuilles de papier.

Shimamura, qui se demandait si l’insecte était mort, vint gratter du doigt le fin tamis de l’écran ; mais il ne bougea pas. Quand il frappa le treillis d’un petit coup sec, il tomba, telle une feuille morte, lent et léger dans sa chute, voletant et remontant avant de toucher le sol.

En face, devant l’alignement des cèdres, des myriades de libellules dansaient avec le vent, emportées comme les aigrettes du fruit de pissenlit. Et les eaux jaillissantes du torrent semblaient sourdre au bout même des plus longues branches des cèdres.

Quant au tapis de fleurs argentées que l’automne avait déposé sur les pentes de la montagne, jamais, non, jamais il ne pourrait arriver à en saturer son regard.

Lorsqu’il revint du bain, il aperçut dans l’entrée une de ces Russes blanches qui font du colportage. « On les rencontre donc jusqu’ici, en pleine montagne, ces femmes-là ? » s’étonna-t-il ; et il s’approcha.

La quarantaine, sans doute ; un visage ridé et poussiéreux, mais la peau fine, d’une blancheur pure et satinée partout ailleurs, sur la gorge décolletée, les bras et les mains.

— D’où venez-vous ? lui demanda Shimamura.

— D’où je viens ? D’où je viens ? répéta-t-elle avec embarras, ne sachant que répondre apparemment. Et elle se mit à fourrager dans sa pacotille : des articles japonais les plus vulgaires, des cosmétiques, peignes d’ornement et épingles de chignon sans valeur.

Sa robe, qui avait plutôt l’air d’un drap malpropre qu’elle se serait roulé autour du corps, n’évoquait plus en rien le costume occidental ; on eût dit qu’elle avait pris, au contraire, un petit quelque chose de japonais.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.